R+ ou R- ?
23/05/2025
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Les termes de renforcement positif et renforcement négatif sont souvent utilisés à tort et à travers, notamment sur les réseaux. J'ai même vu une définition erronée dans un livre officiel qui enseigne les savoirs éthologiques. Dans l'esprit commun, le négatif va être vu comme quelque chose de "mauvais", et à l'inverse le positif va être vu comme quelque chose de forcément "bien". Mais on va voir que c'est plus compliqué que ça, d'abord avec une définition puis une analyse plus profonde de chacun des renforcements.
Définitions
D'abord, le principe de renforcement est le fait d'
encourager un comportement, tandis que la punition est le fait de
décourager un comportement. De la même manière que le renforcement, la punition a une version positive et négative, dont nous parlerons peut-être une autre fois.

Renforcement positif
Le renforcement positif est le fait d'
ajouter quelque chose pour encourager un comportement. On l'utilise quand on caresse notre cheval après un obstacle, ou lorsqu'on lui donne une friandise après qu'il ait fait une bonne action. On fait tout cela dans le but où le cheval se dise "si je fais ça alors je suis récompensé, je vais le refaire". On rend ainsi la situation voulue
confortable pour le cheval.
Il existe plusieurs méthodes de travail qui se basent principalement sur ce renforcement positif, comme le
target training où le cheval est récompensé dès qu'il touche une cible.
Renforcement négatif
Le renforcement négatif consiste à
retirer quelque chose, souvent une pression, de manière à encourager un comportement. Toute l'équitation classique est basée dessus, plus précisément son apprentissage par les chevaux. Si je tire les rênes et que le cheval s'arrête, je relâche directement les rênes. De cette manière, le cheval va se dire "si j'agis quand il y a de la pression, alors la pression s'arrête."
Contrairement à ce que son nom pourrait insinuer, le renforcement négatif
n'est pas une mauvaise pratique, et nous allons voir pourquoi.
Analyse
Le renforcement négatif est-il si mauvais ?
Il est d'abord important de rappeler que le renforcement négatif est naturel pour un cheval, puisqu'il est utilisé dans leur communication (un cheval A approche un cheval B avec les oreilles en arrière -> le cheval B se pousse -> cheval A remet ses oreilles en avant car il a obtenu ce qu'il voulait -> le cheval B sait qu'il a bien agit). Il est alors tout à fait naturel et pertinent d'utiliser ce renforcement.
Quand les gens pensent au renforcement négatif, ils imaginent généralement une scène où un cheval se fait martyriser sous des coups de stick pour obtenir une bonne réponse. Alors oui, cela peut rentrer dans le renforcement négatif (même si généralement ces personnes ne vont même pas enlever la pression quand ils obtiennent une bonne réponse mais bref). Comme toute pratique, des personnes mal intentionnées en abusent, et il est vrai qu'il est plus difficile d'abuser du renforcement positif (mais pas impossible). Cependant, ces abuseurs ne constituent qu'une maigre partie de toutes les personnes qui l'utilisent intentionnellement (
we don't claim them).
Le renforcement négatif peut en réalité être utilisé de manière très banale : un cheval qui répond à la pression du licol, une pause prise après un exercice de dressage compliqué. J'irai même plus loin en ajoutant l'exemple du curage des pieds chez un cheval de club : le cheval sait que ça va s'arrêter à un moment, alors il attend que l'humain fasse ce qu'il a à faire et est récompensé par la pose du pied au sol. C'est sur cela que je base mon éducation des poulains d'ailleurs, en augmentant la durée d'inconfort et réduisant la longueur de la pause entre chaque demande, tout cela en restant à l'écoute du cheval et de ce dont il est capable.
Également, j'aimerais préciser que la pression qui est enlevée et induit le comportement n'est
pas forcément physique. Cela peut être un cheval qui bouge ses hanches dès que le stick touche son grasset, mais ça peut aussi être un mouvement du corps vers le côté qui va provoquer ce déplacement. Tout comme dans la nature, les chevaux vont chercher à ne pas avoir de pression, même non physique, et vont donc agir dès qu'ils ont compris ce qui est demandé.
Le renforcement négatif a l'air coercitif mais, bien utilisé, il donne à votre cheval une sensation de contrôle, une sensation de victoire. Comme le dit si bien Andy Booth, laisser son cheval gagner est une bonne chose, contrairement à l'idée populaire "le laisse pas gagner". Pour le cheval, la victoire va être de trouver la bonne réponse qui va lui permettre de retrouver son confort.
Cependant, mal utilisé, le cheval va tenter de moins en moins de réponses, puisqu'il n'aura plus de victoire. Cela résulte en des chevaux éteints, résignés.
Vous l'aurez donc compris :
tout le monde utilise le renforcement négatif, qu'il le veuille ou non. Certains l'utilisent plus intentionnellement que d'autres, certains en abusent plus que d'autres. Mais c'est tout à fait normal de l'utiliser avec son cheval, ça leur est d'ailleurs plus naturel que le renforcement positif.
...et le renforcement positif si exceptionnel ?
Le renforcement positif est très souvent associé à l'utilisation des friandises, et c'est vrai qu'elle constitue en général le renforcement positif (je dis "en général" car donner une friandise à un cheval qui fait rien dans son pré ne renforce rien, du moins pas de manière intentionnelle mais c'est une autre histoire). Or si l'on se souvient de la définition "ajouter un stimulus pour encourager un comportement", on se rend compte que les grattouilles que l'on fait à son cheval après un bon exercice, les caresses qu'on lui fait quand il est sage... c'est du renforcement positif aussi.
L'utilisation de récompenses alimentaires n'est pas naturelle pour le cheval ; jamais un cheval ne va donner à un autre de la nourriture parce qu'il a été sympa. Ils peuvent cependant se faire des grattouilles pour relâcher leur tension, c'est ce qu'on appelle du
grooming.
Les friandises sont un excellent moyen de construire une relation rapidement avec un cheval, car il va très rapidement comprendre le principe de "si je fais ça alors j'ai à manger", ce qui est encouragé par le fait que se nourrir est un besoin primaire. Elles vont aussi faire en sorte qu'il soit tout de suite intéressé par ce que vous lui proposez (et surtout par la récompense), ce qui peut être une vraie aide. Cependant, une mauvaise utilisation de friandises peut être
contre-productive, voire
dangereuse.
Une utilisation contre-productive serait de donner une récompense
trop tard. Par exemple, donner une friandise à un cheval après un cours ne va pas signifier pour lui qu'il a bien bossé pendant le cours : associer une heure de travail à une friandise est illogique pour lui, et donner une friandise une fois à la barre d'attache va simplement signifier que la barre d'attache c'est un endroit cool. Alors c'est pas mauvais en soi, ça n'a simplement pas l'intérêt qu'on imagine.
Cela est dû au fait qu'un cheval peut faire le lien entre une action qu'il a produite et sa conséquence sur
3 à 5 secondes, on appelle cela une
association. Donc si on récompense trop tard, le cheval ne va pas faire le lien avec l'action que l'on veut renforcer et la friandise qu'on lui a donné. Si on récompense trop tôt en revanche, le cheval peut penser que l'on veut aussi renforcer une action qui s'est passée il y a 3 secondes, alors que c'est seulement l'action qui s'est passée il y a 1 seconde. Pour vous donner un exemple : j'ai vu sur TikTok une cavalière dont le cheval se défend du contact des rênes, et elle donne une friandise dès qu'il a arrêté de se défendre. Alors forcément, le cheval a compris que si il tirait les rênes, action qu'il a faite 3-4 secondes avant la récompense, il avait une friandise pas longtemps après. Il est plus pertinent de récompenser son action de relâcher son contact en renforcement négatif et donc en relâchant notre contact à nous, car on peut fermer et ouvrir les doigts à quelques millisecondes d'intervalle, ce qui est bien plus précis. Il est quand même possible de préciser le renforcement positif en utilisant des mots/sons de liaison ("oui", clicker) pile après l'action, pour qu'il n'y ait pas de confusion.
Quant à l'utilisation dangereuse, on imagine souvent les chevaux devenir impatients à l'attente des friandises, voire mordiller un peu. Ce n'est pas systématique et ça a des solutions, telles qu'avancer vers lui pour récompenser et pas l'inverse. J'aimerais aller sur une autre dangerosité et parler de la révérence, et comment elle a été apprise par beaucoup de cavaliers à leurs chevaux. Beaucoup de personnes l'apprennent en mettant de la nourriture entre les antérieurs du cheval, ce qui fait qu'il va se démener pour l'atteindre, quitte à se mettre dans une mauvaise position. La friandise va encourager le cheval à nuire à son intégrité physique, ce qui n'est absolument pas ce que nous devrions rechercher.
(R+) + (R-) = ?
Même si les gens aiment choisir leur camp, la réalité est que nous utilisons tous le renforcement positif et le renforcement négatif. On peut en effet choisir d'en privilégier un à l'autre, mais en choisir exclusivement un pour abandonner l'autre, c'est contre-productif à mon avis.
Selon moi, nous devrions tous savoir utiliser ces deux renforcements pour avoir la possibilité de choisir lequel correspond le mieux au cheval. Je suis par exemple Team R- mais lorsque j'ai voulu faire du travail à pied avec mon poney
Hashtag, j'ai découvert que le club l'avait rendu éteint, résigné, alors que c'est un poney extrêmement joueur et farceur. J'ai alors fait le choix de travailler avec des friandises pour lui redonner cette envie et cette notion de contrôle. Le but par la suite sera de transitionner vers un renforcement plus négatif. Avec ma pouliche
Nairobi en revanche, elle était déjà très volontaire et le but était plutôt de la calmer, alors la faire se concentrer sur moi plutôt que sur des friandises me paraissait plus pertinent.
Les renforcements positif et négatif ont tout deux de bons et de mauvais côtés, de bonnes et de mauvaises utilisations. Ce n'est pas le renforcement qui est bon ou mauvais, c'est la façon dont on l'utilise. On utilise forcément les deux renforcements avec nos chevaux, il suffit d'en prendre conscience pour encourager les bons comportements. Le choix duquel vous utiliserez le plus au travail va, comme toujours, dépendre de votre cheval en grande partie, car si vous faites du travail à pied et que simplement vous vous questionnez sur ces sujets là, c'est que vous accordez une place plus importante au bien-être de votre cheval et à ce qui lui convient, pas seulement ce que vous connaissez. Pour lui donner encore davantage de place, vous pouvez vous intéresser à la
motivation intrinsèque, c'est-à-dire le désir de votre cheval à faire quelque chose, une motivation qui vient de lui : faire un exercice qu'il aime bien, faire un jeu où il doit trouver une friandise dans le but de lui donner de la satisfaction personnelle...
L'apprentissage du cheval est un sujet très intéressant qui n'est pas simplement "je lui ai donné un bonbon parce qu'il a bien travaillé !" ou "je l'ai tapé parce qu'il m'a mordu". Il y a plein de choses à faire et plein de sujets de discussion dont nous pourrons parler ici !